
Le personal branding tant vénéré sur les plateformes sociales infuse l’idée que les coachs ou profs doivent plaire pour pérenniser leur activité. Pourtant on ne peut pas séduire sur le long terme parce qu’une nouveauté plus aguicheuse que la précédente finit toujours par prendre le relai. Aussi, du haut de mon parcours de presque deux décennies dans l’enseignement du yoga, je me demande quel peuvent être les véritables leviers qui permettent de cultiver un lien durable entre un professeur de yoga (ou autre) et les personnes qui croisent sa route. Hormis les outils que sont les réseaux sociaux, n’y a-t-il pas des particularités plus subtiles que mon imagination débordante attribue à la génétique et à l’instinct de meute, qui pourraient graver le lien virtuel dans la pierre ? Je te livre ma réflexion ci-après.
J’ai donné des cours de yoga régulièrement pendant plus de 15 ans.
De constitution robuste, je suis pour ainsi dire jamais malade. Je crois ne m’être jamais faite remplacer pour donner les cours. Ou alors très rarement. Une fois, à l’occasion d’un voyage mémorable en Polynésie, mais, on est bien d’accord, je suis là hors sujet puisque le virus du voyage n’est pas pathogène.
L’engagement.
Mon patrimoine héréditaire couplé au nucléotide « loyauté » vissé à mon adn de capricorne m’a trop souvent conduite à accepter de remplacer des profs en plus d’assurer mes propres cours. A défaut d’être une prof flamboyante comme pouvaient l’être certain.es, j’étais aux yeux des directeurs.rices de studios de yoga une prof fiable. Terne certes, mais utile pour assurer la continuité de service dans leurs établissements, pour les cours de semaine après 20h, ceux des samedis ou du mois d’août, on pouvait compter sur la brave et serviable Laurence.
La mutation.
Bon, ok, c’est une vieille dame qui t’écrit ici. Ce dont je parle relève à l’heure actuelle de la fiction. L’engagement routinier dans un cours IRL n’est plus la norme depuis un bail.
Quand on parle yoga maintenant, on parle souvent de parenthèses « bien-être » en mode vacances. Sa dimension d’apprentissage s’est réfugiée dans le virtuel. Ce n’est donc plus dans une salle de cours qu’un prof de yoga gagne sa croûte.
Alors qu’auparavant il suffisait d’un local et d’un planning de cours réguliers avec d’occasionnels ateliers d’approfondissement, il faut aujourd’hui un magnétisme de folie aux profs de yoga pour capter l’attention des gens et les mener en retraites en pleine nature ou les conduire à l’abonnement sur des applis en ligne.
Tu me suis?
Séduire ou pas.
Paradoxalement, je pense que parce que je ne cherche pas à plaire par et dans le yoga, j’ai noué des liens persistants avec des personnes rencontrées dans des cours de yoga ou par mon blog. Et ces liens qui se sont naturellement étendus sur les réseaux sociaux ont spontanément participé au relai de mon actualité brûlante 🔥 : je reviens dans une salle de cours.
Une mutante dans la salle de cours.
J’ai raccroché les leggings de yoga en 2021. J’ai envie de les renfiler en 2023. Mais pas comme avant. Comment donner un cours de yoga pourrait-il se faire « comme avant » dans le monde d’après ? Comment cela pourrait-il se faire « comme avant » alors que j’ai moi-même muté.
Aujourd’hui je suis une sage employée de bureau qui s’ennuie un peu dans son travail. Certes, je gagne chichement ma vie, j’ai toutefois eu la semaine passée le luxe de pouvoir donner un cours de yoga sans me soucier de savoir s’il allait « marcher » ou pas. Mon CDI paye les factures.
Du pur plaisir rendu possible par la mise a disposition d’une salle dans un club de sport.
Et après ? Vais-je continuer?
Quelle continuité dans un monde où on embauche des alternants à la pelle? Quelle continuité dans une environnement attentionnel fractionné? Quelle continuité dans un monde d’abonnements sans engagement? Quelle continuité dans un monde en état d’alerte permanent?
Le courant.
Vendredi dernier, notre petit groupe a discuté après le cours. On se tient au courant. Le lieu reste à disposition, Instagram pour échanger des messages. L’enjeu de rentabilité absent pour le moment, tout est faisable. La pérennité de ce cours ne devra rien à mon magnétisme, il doit tout à la cohésion.
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