Je te passe le bonjour depuis la calanque de Callelongue. C’était ce matin. Je m’y étais rendue à coups de pédales.
Oh, attends. Je te déconseille de poursuivre la lecture de ce post si tu t’attends à lire le récit de week-end d’une licorne rose acidulée. Dans ce qui suit, je râle un peu et je te fais part de mes inquiétudes pour la survie de la spontanéité dans notre nouveau normal.
Tu es toujours là? Je continue mon propos alors.
Ce matin donc, j’avais programmé le réveil à 7h pour partir au plus tard à 8h en vélo du centre-ville de Marseille. C’est un peu rude pour moi qui aurais préféré un dimanche paresseux mais c’est le mini sacrifice à faire si tu préfères éviter la foule, les embouteillages et les gaz d’échappement.
L’enfermement après 18h, la perspective de restrictions de circulation plus sévères en PACA d’ici la fin de la semaine et le temps printanier, autant de raisons partagées pour vouloir s’aérer.
Et justement. Comme pour attester de notre mal d’espace à tous, à partir de 10h, les parkings et bas-côtés aux abords des spots de bord de mer les plus sympas commençaient à se remplir sérieusement.
Vers 11h, sur le chemin du retour, comme je le redoutais, la fréquentation sur la corniche était importante. Un segment de l’encorbellement qui porte le couloir piéton et la piste cyclable est fermé pour cause de travaux. De fait, une déviation est balisée dans laquelle les deux roues, les joggers et les promeneurs s’engouffrent.
Si j’avais parcouru le trajet à une heure plus tardive, bye bye l’effet feel good, j’aurais certainement perdu tous les bienfaits de ma balade au grand air une fois rentrée.
Pourquoi je te raconte ça? Parce que je me demande si j’aurai jamais la chance à nouveau de sortir spontanément de chez moi quelque soit l’heure de la journée afin de profiter d’un rayon de soleil et d’un bol d’air frais.
Ce n’est plus la lassitude qui m’habite mais l’inconfort.
Au fur et à mesure que les jours rallongent, je me sens de plus en plus à l’étroit dans les plages horaires autorisées. Elles ont la fâcheuse tendance à compresser le temps et ne laisser finalement que la densité de l’utile prendre la place. Toute la place. Exit les moments pour se laisser flotter, se laisser porter par une envie. Comme mon envie d’horizon et de vent. Ce n’est qu’au prix d’une programmation préalable que je peux goûter au calme de la mer ma voisine.
Avant d’accéder au spot que j’aime bien, celui depuis lequel je te fais coucou dans la vidéo, une vision étrange se présente à toi. Une carcasse de voiture calcinée. Qui, pourquoi, quand, comment? Je n’en sais rien. Pour en arriver à ça, il faut soit avoir des traces à dissimuler (je regarde pas mal de séries policières j’avoue), soit être pourvu d’un sens très particulier de la déconnade.
Ou alors, c’est un acte fou. Un coup de tête insensé. Un acte irrationnel et dangereux. Et je me suis posé la question : dans notre nouveau normal savamment organisé, va-t-on devoir en arriver à commettre des actes irascibles et potentiellement dangereux pour préserver le potentiel d’inattendu dans nos vies?
Je te l’écrivais en introduction, je crains pour la spontanéité. Au rythme où ça va, elle va se défigurer et risque de prendre des allures de promenade carcérale. A heures fixes.

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