Le printemps arrive. Je vous sors donc le kit des clichés du printemps : germination de graines, chenilles qui deviennent papillon et plantes qui poussent. On va aussi parler de fesses.
Avant (entendez par-là : avant les réseaux sociaux sur Internet), les citations ou pensées étaient extraites d’oeuvre littéraires, de discours voire inspirées par les emballages de Carambar. Maintenant, tout le monde s’écrit ses citations. Les réseaux sociaux nous élèvent tous au rang de grands penseurs, pas doués en orthographe pour beaucoup et étrangers au Bescherelle pour d’autres (des fois les deux). Dans le brouhaha de citations qui circulent sur les réseaux, j’en perçois parfois une qui résonne en moi. Dernièrement, je suis restée scotchée à la citation d’un (vrai) écrivain, Daniel Handler alias Lemony Snicket : « A force d’attendre d’être prêt, on finit par attendre toute une vie. »
Grosse claque. Cette citation a fait remonter à la surface des épisodes de ma vie antérieure (entendez par-là : ma vie avant 2011). Je m’explique. En 2010 puis en 2011, j’ai encaissé deux gros chocs professionnels : le premier, on m’a viré d’un centre de yoga, par email, avec un préavis de 15 jours. J’étais très investie dans ce centre, la moitié de mon revenu s’y faisait. Deuxième cataclysme, l’autre lieu où je m’étais investie mettait la clé sous la porte. J’ai appris la nouvelle par email pendant mes vacances. On nous donnait un préavis d’un mois. De peur de me retrouver dans une situation vraiment précaire, je me suis hâtivement engagée pour un travail les week-ends si bien que j’ai travaillé 7 jours sur 7, jusqu’à épuisement, pendant 3 mois, pour être finalement payée une misère. Jusqu’à cette traversée du désert, j’étais une adepte de la planification, un tantinet perfectionniste avec une tendance à vouloir mettre a peu près tout dans un classeur XL. Après, il y a eu mutation génétique, j’ai commencé à peaufiner mon ‘ici et maintenant’ dont je niais presque l’existence depuis trop longtemps. La théorie du ‘vivre dans l’instant’, je la connaissais, c’était transposer la pratique de mon tapis de yoga rectangulaire et bien lisse aux aspérités du sol que je foule dans la vie de tous les jours qu’il a fallu que j’intègre.
Outre l’évocation de ces moments marquants, la citation de Handler m’a rappelé une autre citation choc célèbre, celle de Helen Keller : « La sécurité est avant tout de la superstition. Elle n’existe pas dans la nature, nos enfants n’en ont pas la notion. Sur le long terme, il n’est pas plus salutaire d’éviter le danger à tout prix que de s’y exposer directement. Vivre est une aventure audacieuse ou n’est rien. » ‘Encore de la citation à l’américaine!’ J’ai lu sur Facebook. Une morale a la Bambi diront d’autres. A ceux qui pensent cela, je précise juste qu’Helen Keller est une écrivaine américaine née au 19e siècle, sourde, muette et aveugle au début de sa vie qui a obtenu un diplôme universitaire et écrit une douzaine d’ouvrages. L’audace de Keller et le poids de ses mots méritent le respect. Même si souvent les gens retiennent la dernière partie de la citation concernant l’audace, dans le fil de mes pensées, c’est la première partie qui clignotait : la sécurité est un concept anti-nature. Je me suis mise à imaginer des paysages naturels avec de la végétation, des animaux et tout et tout et j’ai cherché à imaginer une plante qui pousse ou un animal qui chasse avec un ebook, consultant un tableau XL avec scénarios pour savoir s’il fallait pousser a tel endroit plutôt qu’un autre pour diminuer le risque d’être brouté par un ruminant ou envisager de déléguer la chasse à un de ses congénères de 14 a 16h les samedis et jours fériés pour s’assurer du repos pour la chasse en semaine. Bim! Non seulement je repense à notre chien et notre loup de février mais aussi à cette photo que j’ai prise en bas de mon immeuble il y a plusieurs mois.
Quand j’avais vu cette plante pousser entre les pavés et le poteau en métal du portail, dans un lieu de passage de surcroit, je m’étais sentie émue. Les mots qui m’avaient traversé l’esprit : force, sens, audace, vie et beauté. La plante n’a certainement pas chercher à évaluer les risques avant de sortir de terre, elle est sortie de terre parce que c’est le sens que lui donne la force de vie : croitre et être plante. Comment elle sait ça? Elle ne le sait pas, elle le manifeste.
Dans la culture yoguique on nous parle de svadharma. Chacun de nous porte un potentiel unique (comme la graine contient le potentiel de la plante) qui contribue à une harmonie collective. Notre vie est le moyen de manifester ce potentiel. Quand on est sur le chemin de notre svadharma, un alignement se fait, cela veut dire que nos choix sont évidents, les choses se font. Quand on lutte, quand on doute, quand on s’enferme dans des tableaux XL ou tout autre fanatisme pour tenter d’exercer une forme de contrôle sur sa vie, le diagnostic est clair : on n’est pas sur le bon chemin. Le potentiel n’est pas en voie de manifestation. Est-ce grave? Non. Mais si à la question : « Souhaitez-vous manifester pleinement ce qu’instinctivement vous ressentez comme étant le meilleur de vous-même parce que vous sentez que cela vous nourrit et que c’est une belle contribution à autrui et au monde.», votre réponse est oui, il faut vous pencher sur le sujet. Et si on ne sait pas ce que peut-être le meilleur de soi-même? Il faut continuer à faire l’expérience de soi pour le trouver. Comment? Faites du yoga. A ce stade, j’en énerve certains : « Dammit, elle ne lâche pas le morceau! » D’accord, je précise les choses alors. On sait qu’on a trouvé son svadharma quand en faisant quelque chose, on est entièrement captivé et enthousiaste, on a la sensation d’avoir des papillons dans le ventre. Dans le DVD ‘Titans of yoga’, Anna Forrest le décrit comme suit : « Si cette chose vous enthousiasme, c’est un bon départ. La mission de votre vie doit nécessairement vous rendre enthousiaste … sinon il est probable que quelqu’un d’autre pense que cette chose est la chose faite pour vous et vous, pour faire plaisir comme un enfant qui veut être agréable envers ses parents, vous vous dites qu’il doit en être ainsi. Mais, en fait vous devez trouver par vous-même en expérimentant les domaines avec lesquels vous vous sentez des affinités. Votre fascination pour quelque chose ne recevra peut-être pas l’approbation de vos proches. Pouvez-vous créer votre vie et en faire un chef d’oeuvre? Peu importe ce dans quoi vous vous réalisez, le faites-vous avec une réelle attention, avec talent, avec implication? C’est utiliser tout, depuis votre moelle épinière jusqu’à votre esprit, et le mettre au service de votre vie. »
Les tableaux XL, vous l’aurez compris, ne sont qu’une métaphore pour parler du besoin de contrôle. Le besoin de contrôle est le frère jumeau du sentiment d’insécurité et un cousin germain de la recherche de perfection. Pendant une formation avec Shiva Rea, nous évoquions les aspects psycho-émotionnels relatifs aux chakras, en l’occurence muladhara chakra, le chakra racine physiquement associé à la zone du périnée et de l’anus. Shiva évoqua le perfectionnisme chronique comme étant un symptôme d’un muladhara chakra en dissonance et en plaisantant elle ajoutait qu’il fallait s’en prémunir pour ne pas finir en ‘tight ass’, comprendre ‘coincé du cul’ en français. Le perfectionnisme est l’expression d’une recherche de contrôle démesurée. L’entrevoir comme tel a provoqué un autre déclic dans ma tête. Le perfectionnisme a son côté sombre. La question c’est donc de savoir comment avancer avec joie et sens dans sa vie en lâchant le besoin de contrôle, la recherche de perfection et l’obsession du risque zéro. En d’autres termes comment croitre comme le fait la plante ou agir comme le fait l’animal, sans douter ni craindre. Je crois que la réponse tient à un truc simple : apprivoiser la confiance. Se faire confiance et avoir confiance en ses choix. Je ne dis pas que c’est facile. Personnellement, j’y travaille depuis 2011. J’ai fait des progrès.
Je ne peux pas finir ce message sans partager la citation d’un grand penseur d’internet lue sur Instagram : « Pour avoir des papillons dans le ventre, mets-toi une chenille au cul. » Extraordinaire de voir que l’auteur de cette phrase a su capter en peu de mots la relation du muladhara chakra et du svadharma. Blague à part, je souhaite que le renouveau du printemps autour de nous vous inspire. N’attendons plus d’être prêt, la séquence du devenir se déroule ici et maintenant.
Namasté
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