LE YOGA CAUSE DE STRESS

swara

Alex Korb, l’auteur de l’article ‘Yoga, changing the brain’s stressful habits’ dans PsychologyToday.com (la version internet du magazine papier New Yorkais Psychology Today), a suivi son père à un cours de yoga. C’était sa première expérience de yoga. Il nous en parle dans cet article et partage son décryptage par la prisme des neurosciences. C’est son domaine : il est chercheur en neurobiologie.

On s’entend beaucoup dire que le yoga aide à lutter contre les symptômes de la dépression, à renforcer le système immunitaire ou encore à atténuer des douleurs chroniques, réduire le stress ou diminuer la tension artérielle. Beaucoup de pratiquants de yoga avancent tout cela et a priori on se dit que ce sont des délires de hippies. Aussi surprenant que cela puisse vous paraitre, toutes ces allégations sont pourtant prouvées scientifiquement.
Ca parait relever de la magie de dire que de prendre la pose d’un fier guerrier ou la pose du corbeau puisse provoquer de tels effets, mais la magie n’a rien à voir la-dedans. Tout s’explique par la neurobiologie. Ce que j’énonce maintenant va vous paraitre très profond ou totalement evident, mais ca se résume à cela : les choses que vous faites et les pensées que vous avez modifient les schémas d’activation et la composition chimique de votre cerveau. Les actions les plus simples comme de changer de posture, de relâcher les muscles du visage ou de ralentir la respiration peuvent changer l’activité cérébrale (au-delà des changements induits par l’activité requise pour faire l’action). Ces changements sont transitoires mais peuvent perdurer, notamment s’ils impliquent de changer une habitude.

[… Pendant son premier cours de yoga]

Après seulement 15 minutes je transpirais tellement que je pouvais difficilement tenir le chien la tête en bas. Ca n’empêchait pas le professeur de yoga de continuer de dire, au fur et à mesure qu’on enchaine les postures, de continuer de respirer calmement et régulièrement. Rester calme? De qui se moque-t-on? Mes muscles tremblaient alors que j’essayais de maintenir mon corps a quelques centimètres du sol en position de pompe. Quand le professeur nous a demandé de rentrer en torsion pour que l’épaule droite descende sous le genou droit, je pouvais difficilement remplir mes poumons. Il nous a demandé de faire un pont, ma colonne vertébrale a craqué et est restée douloureusement récalcitrante. Rester calme? Non, mais et puis quoi encore? Il voulait qu’on tienne en équilibre sur la tête!

En tant que neuroscientifique, et malgré mon scepticisme initial, j’ai fini par comprendre que le yoga fonctionne non pas parce que les postures sont relaxantes mais parce qu’elles sont stressantes. C’est le fait même de garder son calme quand le stress survient qui provoque les incroyables effets bénéfiques du yoga.

Notre cerveau réagit à l’inconfort ou à la désorientation de manière automatique en déclenchant une réaction de stress physiologique et un babillage neural entre le cortex préfrontal et le système limbique émotionnel. La réaction de stress elle-même augmente la probabilité de nourrir des pensées anxiogènes, comme par exemple : « Oh la la, je vais me froisser un muscle » ou « Je ne peux pas tenir plus longtemps ». Et ces pensées anxiogènes exacerbent davantage notre réaction de stress.

[…]

La chose fascinante avec l’interaction entre le corps et l’esprit c’est qu’elle fonctionne dans les deux sens. Par exemple, en situation de stress, les muscles sont en tension (on se prépare à fuir face à un lion) ce qui va produire plus de pensées négatives. Relâcher ces muscles, et plus particulièrement les muscles du visage, va faire basculer le cerveau de l’autre côté, l’éloigner du stress et le ramener vers des pensées plus détendues. Selon le même principe, en situation de stress encore, la respiration s’accélère. En calmant la respiration, on empêche le cerveau de rester en mode de réponse au stress et on calme les pensées.

Alors comment tout cela se rejoint? Comme je l’ai évoqué précédemment, la réponse au stress dans notre système nerveux est activée par réflexe en situation d’inconfort ou de désorientation. La torsion de la colonne vertébrale, l’accumulation d’acide lactique dans les muscles qui travaillent, la sensation gênante d’être la tête en bas ou la difficulté à respirer sont des formes d’inconfort ou de désorientation qui risquent d’induire les réflexes de stress : les pensées anxiogènes et la mobilisation du système nerveux entier en réaction de stress. Cependant, ce n’est pas parce que la réponse de stress se fait automatiquement qu’elle est nécessaire. C’est en réalité une simple habitude de notre cerveau. L’un des objectifs principaux du yoga est de se réapproprier cette habitude de manière à ce que notre cerveau cesse d’invoquer les réactions de stress automatiquement.

Certaines personnes pensent que la réaction de stress est un réflexe inné et ne peut par conséquent pas être changée. Je vais clarifier les choses : notre réponse au stress est partiellement innée et partiellement acquise pendant la petite enfance. Certes, la réponse au stress est déjà téléchargée et installée dans notre système d’exploitation. Ceci étant dit, elle est aussi amplifiée après une exposition répétée au fil des ans. On s’imprègne de la manière dont ceux qui nous entourent (surtout les parents) réagissent au stress. Leurs réactions restent câblées dans notre système nerveux. Mais parce qu’une habitude est innée puis renforcée ne signifie pas qu’elle ne peut pas changer. Toutes les habitudes ou presque peuvent être modifiées (ou améliorées) par l’action répétée d’une nouvelle habitude.

[…]

La pratique des asanas (postures du yoga) nous mettent au défi à leur manière, mais la vie nous offre déjà notre lot de défis à relever. Dans n’importe quelle situation anxiogène de la vie de tous les jours, on peut appliquer les mêmes outils pour se calmer : respirer profondément et doucement, relâcher les muscles du visage, laisser s’évanouir les pensées négatives, se focaliser sur l’instant présent. En réalité, appliquer ces techniques dans la vraie vie est le véritable objet du yoga. Le yoga consiste simplement à être pleinement dans l’instant et à calmer le mental. Avec la pratique, on remodèle la réponse automatique au stress et on la remplace par une réaction favorable au bonheur et au bien-être.

Je suis retourné au cours de yoga avec mon père plusieurs fois. J’ai fini par réaliser que non seulement le yoga se pratique dans la vraie vie mais aussi que, paradoxalement, des personnes vont au cours de yoga mais ne font pas vraiment de yoga. Certaines personnes dans le cours peuvent placer une jambe derrière la tête sans pour autant garder leur respiration sous contrôle ou leur esprit calme. Elles sont même peut-être concentrées sur tout à fait autre chose. Sans une intention claire de se focaliser sur le présent et de calmer le mental, aller au cours de yoga se résume seulement à faire du mouvement.

6 réponses à « LE YOGA CAUSE DE STRESS »

  1. Cet article est très intéressant, outre qu’il développe l’aspect médical, il nous soulève une question essentielle de la pratique du yoga dans son bénéfice global. La mesure et le sens que nous donnons à notre pratique, influe sur son bénéfice ou sur son préjudice. Les pratiquants doivent avoir à l’esprit qu’il le corps fonctionne corrélativement avec le mental pour le meilleur comme pour le pire … et même si je n’y suis pas toujours arrivé, c’est avec Laurence que j’ai le plus eu à l’esprit cette considération indispensable à la bonne pratique.
    Merci !!

  2. « Sans une intention claire de se focaliser sur le présent et de calmer le mental, aller au cours de yoga se résume seulement à faire du mouvement. » Tout est dit. Merci, Laurence 🙂

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